De nouveaux chiffres de l’Agence Intermutualiste (AIM) démontrent une fois encore que le risque de mortalité après avoir subi une opération de Whipple est deux fois plus élevé dans les hôpitaux qui pratiquent moins de dix interventions par an. Les chiffres restent inchangés malgré les précédents appels en faveur de centres de référence. Selon des spécialistes du pancréas, le plan de réforme de la ministre de la Santé publique Maggie De Block constitue un premier pas important dans la bonne direction. Cette réforme est nécessaire afin d’offrir aux patients une qualité de soins optimale, mais aussi de garantir que ceux-ci soient abordables. Il est fondé sur une collaboration où les médecins jouent un rôle central, mais pour le moment, la réforme n’existe que sur papier. En outre, elle sera appliquée étape par étape au fil des différentes législatures. Il est donc difficile de prédire de quoi l’avenir des soins de santé sera fait. Le cancer du pancréas devient l’un des plus mortels Le cancer du pancréas est un des cancers les plus agressifs et est souvent détecté tardivement. Bien souvent, lors du diagnostic, le cancer s’est déjà propagé et il n’est plus possible de le traiter. Seuls 10 à 20% des patients se voient diagnostiquer un cancer sans métastases ou une incrustation dans des vaisseaux sanguins importants. Ces patients sont les seuls à être admis pour une opération, qui représente aujourd’hui la seule possibilité de guérison définitive. En Belgique, avec près de 1 600 décès par an, le cancer du pancréas figure en 5e position au classement des cancers mortels. Dans le monde, plus de 300 000 personnes en sont victimes chaque année, ce qui en fait la 7e maladie la plus mortelle. Plus inquiétant encore, selon certaines estimations, le cancer du pancréas atteindrait la 2e place de ce classement d’ici 2030, notamment dans le monde occidental. Malheureusement, les chercheurs ne s’attendent pas à trouver de remède contre ce cancer dans les dix prochaines années. La recherche innovatrice contre le cancer sera plus importante que jamais. Dans le même temps, les chances de guérison dépendront toujours d’une opération dans des hôpitaux possédant un niveau supérieur d’expertise et d’expérience. L’opération de Whipple : l’opération du pancréas la plus pratiquée et la plus risquée Les données du Registre belge du cancer révèlent qu’à l’échelle nationale, environ 1 600 cancers du pancréas sont diagnostiqués chaque année. La seule chance de guérison pour les patients est une opération du pancréas risquée. Le cancer maligne du pancréas constitue la grande majorité (+-90%) de toutes les tumeurs pancréatiques et se situe généralement dans la tête du pancréas (+-75%). L’opération de Whipple, appelée pancréaticoduodénectomie dans le monde médical, est l’opération du pancréas la plus réalisée, mais aussi la plus complexe. Au cours de l’opération, la tête du pancréas est extraite chirurgicalement, de même que le duodénum, le canal biliaire, la vésicule biliaire et parfois une partie de l’estomac. À l’issue de l’intervention, la partie restante du pancréas, le foie et la voie biliaire et l’estomac sont reconstitués. Une étude portant sur les résultats nationaux des opérations de Whipple pratiquées de 2000 à 2004 a montré que 8,4% des patients décèdent pendant l’hospitalisation à la suite de complications survenant après l’opération. Celle-ci est ainsi connue pour être l’une des plus dangereuses. Les centres hospitaliers qui pratiquaient moins de dix interventions par an affichaient un risque de mortalité de 11%, soit le double de ceux comptabilisant plus de dix interventions par an. L’argument scientifique pour plaider pour une centralisation de opérations du pancréas en Belgique était établi. Après un premier rapport en 2009, le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a une nouvelle fois proposé, dans un récent rapport paru au début de l’année 2014, que le traitement de cancers rares et complexes, parmi lesquels celui du pancréas, soit centralisé dans des centres de référence. Peu de temps après, l’Agence Intermutualiste (AIM) a publié le nombre de patients par hôpital ayant subi une opération du pancréas et plaidait également en faveur d’une concentration de l’expertise. Pour la première fois, le nombre d’opérations du pancréas par hôpital était diffusé au grand public en toute transparence. 10% de tous les hôpitaux pratiquent autant d’opérations du pancréas que les 90% restants Les chiffres les plus récents des opérations du pancréas ont été examinés en collaboration avec l’AIM. Le nombre d’opérations de Whipple et les chiffres de la mortalité après intervention qui y sont liés sont recensés par centre sur une période allant de 2010 à 2013 inclus. L’objectif était de vérifier si tous les efforts fournis au cours des dix dernières années avaient eu un quelconque effet sur l’évolution du risque de mortalité après une opération du pancréas. Au total, 1 808 opérations durant cette période ont été pratiquées dans 91 centres. Le risque de mortalité durant l’hospitalisation à l’échelon national a légèrement diminué par rapport à il y a dix ans, atteignant 7,1%. Il est étonnant de remarquer que 9 hôpitaux sur 10 ont pratiqué moins de dix opérations de Whipple, affichant un risque de mortalité (accru) de 10%. Cela représente au total la moitié des interventions et deux tiers des décès. Seul un hôpital sur dix pratique chaque année plus de dix opérations, pour un taux de mortalité moyen durant l’hospitalisation de 4,7%. Le risque de mortalité dans les hôpitaux sans expertise suffisante est deux fois plus élevé Ces chiffres sont pratiquement les mêmes qu’il y a dix ans. Aujourd’hui encore, 10% des hôpitaux pratiquent autant d’opérations de Whipple que les 90% restants. Le risque de mortalité dans les centres comptant moins de dix opérations par an est au moins deux fois plus élevé que dans ceux ayant réalisé plus de dix opérations. Le meilleur traitement à offrir aux patients relève encore et toujours de la compétence commune du corps médical, de la direction des hôpitaux, des décideurs politiques, des mutualités et du gouvernement. En Belgique, ce sont environ 450 opérations de Whipple qui sont pratiquées dans 91 hôpitaux chaque année. Afin de pouvoir diminuer de manière significative le risque de mortalité, le nombre d’hôpitaux pratiquant ces opérations à risques doit être nettement revu à la baisse. Il ne fait aucun doute que la centralisation des opérations du pancréas est une nécessité afin d’offrir les meilleurs chances de survie et que cela doit absolument se produire à court terme afin d’éviter davantage de décès évitables. L’Agence Intermutualiste (AIM), la Belgian Section of Hepatobiliary and Pancreatic Surgery (BSHBPS) et le Belgian Group of Digestive Oncology (BGDO) appellent d’urgence à une réflexion visant à se pencher, dans le plan de réforme, sur l’élaboration et la mise en oeuvre de soins pour le cancer et les opérations du pancréas. Tous trois veulent y jouer un rôle majeur avec le soutien du gouvernement. Le BSHBPS et le BGDO sont les deux sociétés scientifiques qui, parmi toutes les autres, étudient le plus la question du cancer du pancréas. Elles tendent également la main aux autres sociétés scientifiques en vue d’une collaboration intense. Agence Intermutualiste (AIM) ; personne de contact : Dr Michiel Callens ; tél. : 0473/87.03.07 Annexe Chiffres détaillés